Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de l'investisseur fixed income

20 décembre 2010

10 surprises possibles pour 2011… dans le monde obligataire (partie 1)

Depuis un quart de siècle, l’ « oracle » Byron Wien envisage chaque début janvier 10 surprises possibles pour l’année à venir sur les marchés financiers. Avec quelques jours d’avance et en me concentrant sur les marchés obligataires, je me livre moi aussi à l’exercice.

1. Le rendement du treasury 10 ans passe sous la barre des 2%

Bulle immobilière, système bancaire plombé par les créances douteuses, politique monétaire ultra accommodante inapte à prévenir la déflation : un scénario « à la Japonaise » n’est pas à exclure pour nos amis américains, avec l’aplatissement à des niveaux ultra bas de la courbe des taux qui va avec.

2. La France perd son rating AAA

Ratio dette / PIB, déficit budgétaire, dépendance vis-à-vis des investisseurs étrangers pour financer sa dette… La France est loin d’avoir des métriques de solvabilité exemplaires et ses dirigeants ne semblent guère motivés pour suivre la voie de l’austérité budgétaire. Après avoir mis au tapis la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, les spéculateurs et les agences de notations risquent fort de s’intéresser au cas de la France.

3. Rallye sur les dettes périphériques de la Zone Euro

Si les 16 pays de l’Eurozone parvenaient à s’accorder sur un véritable mécanisme d’intégration fiscale permettant des transferts de richesses entre pays riches et pauvres à l’intérieur de l’Union, un rallye obligataire sur les emprunts d’états « PIGS » devrait s’enclencher.

4. Explosion d’une bulle sur la dette émergente

Tout le monde est convaincu que la solvabilité et la croissance se trouvent dans les pays émergents pour les années à venir. Un tel niveau de consensus incite à la méfiance. Le risque de dérapage inflationniste non contrôlé par des banques centrales désireuses d’imiter leur consœurs occidentales dans leur laxisme est réel ans de nombreux pays. Le risque politique ne doit pas non plus être ignoré comme nous le rappellent les évènements récents en Côte d’Ivoire.

5. Le High Yield bat les actions pour la quatrième année consécutive

Avec un rendement moyen de 8% et des perspectives de taux de défaut très basse pour l’année à venir, le High Yield est bien placé pour réaliser une performance 2011 proche de 10%. Si les actions connaissent une année mauvaise ou juste moyenne, elles peuvent très bien terminer une fois de plus derrière le High Yield au palmarès des classes d’actifs.

A suivre...

Publicité
19 décembre 2010

Retournement de tendance, ou simple correction?

Ca chauffe ces dernières semaines sur le marché des treasuries. Depuis l’officialisation d’un second programme de quantitative easing par la Fed le 3 Novembre, le rendement de l’emprunt d’état US d’échéance 10 ans s’est tendu de presque 100 points de base pour dépasser 3,5% le 15 décembre. Sur cette même période, cela correspond à un recul de plus de 7% de la valeur d’un tracker tel que l’iShares $ Treasury Bond 7-10.  Pour de l’obligataire et en si peu de temps, c’est assez sévère. Doit-on y voir les prémisses de l’éclatement de la bulle obligataire, comme l’affirme par  exemple cet article ?

Mon avis diffère quelque peu. La correction du marché obligataire américain, et dans son sillage des autres grands marchés « cœur » (Allemagne, Royaume-Uni, Japon…) ces six dernières semaines, est due à trois causes principales :

1. L’absence de surprise lors de l’annonce du QE

« Achetez la rumeur, vendez la nouvelle » : le vieil adage a une fois de plus été validé par les faits. Les investisseurs, qui avaient massivement allongé la duration de leurs portefeuilles avant le comité de la Fed, ont débouclé leurs positions sur l’annonce d’un programme dont ni la durée ni le montant n’ont dépassé les attentes.

2. Des chiffres économiques plutôt moins mauvais que prévu

Retour des créations d’emplois en territoire positif, enrayement de la décélération des indices d’inflation, absence de franche mauvaise surprise par ailleurs… Tout ceci a créé un climat plutôt « bullish », traditionnellement défavorable aux bons du Trésor.

3. L’annonce d’une politique fiscale expansionniste

Le président américain a récemment accepté un compromis avec les Républicain visant à étendre de deux ans les avantages fiscaux qui avaient été accordés par George Bush. Une telle politique, dont la conséquence est d’alourdir le déficit budgétaire du pays pour stimuler sa croissance, est évidemment défavorable pour les créanciers de l’état américain. En outre, elle a douché les espoirs d’un redimensionnement du QE.

Au total, la baisse du marché des treasuries me semble surtout être la conséquence d’une accumulation de petites nouvelles défavorables. Je ne crois pas que les investisseurs envisagent l’explosion imminente d’une bulle obligataires aux Etats-Unis. En effet :

- le taux de breakeven du TIPS 10 ans a peu varié entre le 3 novembre et le 15 décembre (de 2.16% à 2.32%), ce qui veut dire que les acteurs des marchés de dette n’envisagent pas de flambée de l’inflation,

- sur cette même période, la prime du CDS souverain couvrant le risque US est restée stable à 40 bps :  personne ne songe sérieusement à un défaut de paiement de l’état fédéral américain. 

Pour conclure, j’interprète donc cette baisse comme une correction davantage que comme un changement de paradigme radical pour l’analyse de la dette américaine. J’y vois même une occasion de rentrer sur la classe d’actifs, par  exemple à travers l’achat d’un ETF tel que celui mentionné en introduction. Et comme un bon dessin vaut toujours mieux qu’un long discours, j’espère que le graphique ci-dessous parviendra à convaincre les plus sceptiques.

graph6

10 novembre 2010

QE 2 : quelles conséquences ?

La semaine dernière, la Fed a annoncé une seconde vague de QE (quantitative easing ou assouplissement quantitatif). Pour mémoire, la banque centrale américaine projette de procéder à 600 milliards de dollars d’achats de treasuries de maturité 2 à 10 ans, échelonnés sur une période de huit mois. Ils viendront s’ajouter aux 300 milliards de coupons et remboursement du portefeuille d’obligations hypothécaires détenues par la Fed, eux aussi destinés à être réinvestis en treasuries. Ce faisant, la Fed poursuit deux objectifs :

- éviter à l’économie US un scénario déflationniste (elle crée de la monnaie pour acheter des bons du trésor),
- stimuler la croissance économique en maintenant les taux longs à un niveau bas (pour ce qui est des taux courts, il y a déjà bien longtemps que la Fed claironne qu’ils resteront durablement ancrés à 0%).

Cette politique monétaire peu conventionnelle suscite des réactions diverses chez les intervenants de marché. Il y a ceux qui pensent que le QE va marcher, c’est-à-dire permettre à l’économie américaine de garder des taux de croissance et d’inflation positifs, mais sans surchauffe. D’autres estiment que le QE ne marchera pas et n’évitera pas aux Etats-Unis un scénario de « trappe à liquidités » comme au Japon durant la décennie 2000. D’autres encore redoutent que le QE ne marche « trop bien » et provoque une hyper inflation que la Réserve Fédérale ne parviendra pas à contrôler (c’est ce qu’indique notamment la tension des taux de breakeven observée sur le marché des TIPS depuis deux mois). Qui croire ?

Pour ma part, je ne crois pas au scénario inflationniste, en tous cas pas à court ou moyen terme. Les entreprises, les ménages et à un horizon plus lointain l’état américain doivent se désendetter. Leur offrir du crédit quasi gratuit ne les incitera pas à dépenser plus. L’exemple du Japon au cours des dix dernière années nous montre à quel point il est vain de chercher à faire boire un âne qui n’a pas soif. Inutile donc de se ruer sur les TIPS (treasury inflation protected securities, ou emprunts d’état US indexés sur l’inflation). Avec 2,1% de progression annuelle du CPI anticipée à 10 ans, ils sont au mieux à leur juste prix, voire un peu chers à mon avis.

Je m’attends aussi à ce que les taux nominaux longs restent durablement bas, comme je l’ai expliqué dans un post précédent.

Mais si ces dollars flambants neufs imprimés par la Fed ne servent pas à reflater l’économie réelle, où vont-ils s’investir? Dans les actifs risqués bien sûr: actions, matières premières, crédit…   C’est d’ailleurs l’anticipation du QE 2 qui explique en grande partie la performance à deux chiffres du S&P 500 ou du baril de brut au cours des deux mois passés. Pour en revenir aux obligations, je pense que deux catégories d’emprunts devraient particulièrement bénéficier du QE 2 : le high yield et la  dette émergente. Outre le regain d’appétit global pour le risque suscité par cet argent quasi gratuit offert aux investisseurs, je vois trois raisons, au moins, de privilégier ces actifs :

1. Le rendement : 7,5% sur du high yield ou 6% sur de la dette émergente, c’est mieux que le taux de dividende moyen de 3,5% servi par les actions.

2. La sécurité : acheter des actions ou des matières premières nécessite une réelle conviction sur un rebond des économies développées, c’est-à-dire que le QE 2 va bien voire très bien marcher. Acheter des obligations n’exige pas une tel acte de foi. C’est particulièrement vrai pour les titres émis par des pays émergents qui bénéficient  de métriques de solvabilité et de fondamentaux économiques favorables.

3. La rareté de l’offre : l’encours de papiers high yield  aux Etats-Unis n’excède pas 1200 milliards. En additionnant les encours de dettes émergentes libellées en monnaie locale et en monnaie forte, on n’excède pas le trillion de dollars. C’est peu comparé au 900 milliards de dollars de liquidités que la  Fed s’apprête à déverser sur les marchés financiers.

Evidemment, le risque de formation d’une bulle sur ces (petits) marchés est important, mais on n’en est pas encore là… Stay tuned !

7 octobre 2010

Investir dans le high yield: trop tard? (partie 2 sur 2)

Valorisation

Le spread moyen high yield contre treasuries est actuellement de 620 bps (pour un rendement total de 7,6%). C’est un peu plus que la moyenne historique, mais c’est surtout très attractif compte tenu des perspectives de taux de défaut : 6% de spread moins 2% de défauts, ça fait au minimum 4% de rendement supplémentaire par an. Dans un environnement de taux bas, c’est loin d’être négligeable.

Facteurs techniques

Comme je l’ai mentionné dans le post précédent, l’offre de papiers high yield est limitée puisque l’encours total de ce segment de marché n’excède pas 1200 milliards de dollars aux Etats-Unis et 200 milliards d’euros en Europe. Le marché primaire a certes été très dynamique ces derniers temps, avec 180 milliards de nouvelles émissions en 2009 et  210 milliards en 2010 sur le  marché US. Ces chiffres doivent être nuancés par le fait que deux tiers de ces émissions correspondent au refinancement d’obligations ou de prêts bancaires arrivés à maturité. Mais surtout, la demande reste très soutenue. Dans un contexte de taux bas et de perspectives incertaines pour les actions, beaucoup d’investisseurs perçoivent le high yield comme un excellent compromis entre risque et performance. La collecte des fonds d’investissement spécialisés sur ces titres est ainsi très soutenue depuis près de deux ans.

Pour résumer, le high yield présente de solides fondamentaux, une valorisation plutôt attractive, et des facteurs techniques favorables. Je m’attends donc à une performance annuelle au moins égale au coupon moyen de la classe d’actifs, de l’ordre de 8%, pour les deux ou trois prochaines années. Au-delà de cet horizon, il y aura beaucoup d’obligations échues à refinancer et il y a un vrai risque que les entreprises ne parviennent pas à trouver des acheteurs pour toutes leurs nouvelles émissions. Mais il sera toujours temps de sortir avant.

Comment investir ?

Comme je l’ai expliqué précédemment c’est une classe d’actifs qui, pour l’immense majorité des investisseurs, ne peut être jouée qu’à travers des fonds. Je vous conseille de sélectionner un fonds :

- investissant dans du high yield global ou US plutôt que seulement du high yield européen (marché peu liquide et trop concentré sectoriellement),

- offrant une part en euro couverte contre le risque de change (à moins que vous n’ayez une forte conviction sur le potentiel d’appréciation du dollar),

- sans frais d’entrée ni de sortie facturés par votre courtier.

Pour vous faire une idée de l’offre de fonds et comparer les performances, vous pouvez utiliser un site tel que www.morningstar.fr pour établir des palmarès.

4 octobre 2010

Investir dans le high yield: trop tard? (partie 1 sur 2)

Je vais faire une confidence: je suis par nature un investisseur contrariant, c'est-à-dire que j'aime acheter ce qui est décoté plutôt que suivre les tendances de marché. En principe, je devrais donc recommander de rester à l'écart du marché du high yield, qui a progressé de 89% au cours des 22 derniers mois (voir graphique ci-dessous). Pourtant, ce ne sera pas le cas: je pense que le high yield reste une bonne classe d'actifs de rendement à moyen terme.

chart4

Petit rappel: qu'est ce que le high yield?

Les obligations high yield, parfois appelées junk bonds, sont émises par des entreprises de faible qualité de signature, c’est-à-dire dont le rating (ou notation) est inférieur à BBB- / Baa3. Il s'agit souvent de petites sociétés ayant fait l'objet  d'un LBO (leveraged buy out, ou rachat avec effet de levier), ou parfois de fallen angels, c'est-à-dire de grandes compagnies opérant dans un secteur en difficulté et dont la note a été dégradée (par exemple Renault et Fiat). Il s'agit d'une classe d'actifs de taille assez modeste. Le plus grand marché de high yield est, de très loin, le marché américain avec un encours de 1200 milliards de dollars. En comparaison le seul marché des treasuries pèse 5800 milliards de dollars.

Acheter ces titres permet de bénéficier d’un rendement supérieur à celui d’un emprunt d’état ; actuellement, le spread (ou écart de rendement) high yield contre souverain est d’environ 6% à 7%. En contrepartie, on accepte de s’exposer à un risque de défaut de l’émetteur. Ainsi, sur les douze derniers mois, 2,5% des émetteurs high yield n’ont pas honoré leurs créanciers. En période de crise, le taux de défaut peut grimper jusqu’à 10% à 12% par an. Le graphique ci-dessous montre le lien historique entre spread moyen et taux de défaillance.

chart5

L’investissement en high yield se fait le plus souvent à travers des fonds, surtout pour un investisseur individuel, pour au moins deux raisons :

- acheter un portefeuille comprenant une centaine de lignes permet de diversifier le risque de défaut,

- la liquidité de la classe d’actifs est assez faible et un gérant professionnel spécialisé aura accès au marché dans de meilleures conditions.

Le décor étant posé, venons en à la question de fonds : cela vaut-il le coup d’investir dans du high yield, maintenant ? Pour juger l’intérêt d’un investissement, je me focalise toujours sur trois points :

- les fondamentaux : quelle est la capacité à rembourser de l’émetteur dont j’envisage d’acheter l’obligation : bonne moyenne, faible ?

- la valorisation : le prix reflète-t-il justement les fondamentaux, ou y a-t-il une décote ou surcote ?

- les facteurs techniques : la demande est elle supérieure à l’offre ?

Fondamentaux

Les fondamentaux de l’univers d’investissement high yield, c’est la solvabilité moyenne des émetteurs qu’on y trouve, et par  extension le taux de défaut attendu. Depuis le début de l’année, le taux de défaut est très bas, inférieur à 1%, à comparer avec une moyenne historique de 3,5%. Et il y a selon moi de bonnes raisons de penser que cet environnement va perdurer pendant quelques années :

- le taux de défaut a atteint un pic de 12% en 2009, ce qui signifie que l’univers a été « nettoyé » de ses émetteurs les plus fragiles ;

- les « survivants »  sont en mode  désendettement et ont donc amélioré leurs métriques de solvabilité, même avec une reprise économique d’intensité modérée ;

- enfin, le marché primaire (i.e. des nouvelles émissions) est très actif depuis un an et demi, ce qui a permis à bon nombre d’entreprises d’étendre la  maturité moyenne de leur  stock d’obligations ; la plupart des émetteurs ne devraient pas être confrontés à des problèmes de refinancement avant 2013 au plus tôt.

(à suivre…)

Publicité
30 septembre 2010

La dette grecque : arnaque ou opportunité ? (partie 3 sur 3)

Je vous ai exposé dans le post précédent différents dénouements possibles de la crise grecque. L'objectif de ce dernier post consacré au sujet est de vous donner une estimation des perspectives de gain ou de perte des obligations grecques dans ces différents scénarios, ainsi que de vous exposer la stratégie la plus intéressante pour jouer ce marché selon moi.

Le graphique ci-dessous indique les niveaux de prix et de rendement des obligations souveraines grecques de maturités 2, 5, 10 et 30 ans.

graph3

Pour l'investisseur obligataire tenté par l'aventure grecque, il y a schématiquement deux stratégies possibles.

La première consiste à se positionner sur les maturités courtes, par exemple les obligations d’échéance juillet 2012 de coupon 5,25% (ISIN: GR0124018525). Ces titres rembourseront coupons et principal dans le scénario rose bien sûr, mais aussi dans le scénario gris puisque la restructuration surviendra après l’échéance de l’obligation. En achetant ces titres aujourd’hui à 95% du pair, vous avez ainsi 90% de chances de réaliser un gain de 15% en moins de deux ans. Par contre le scénario noir est très défavorable : vous perdez plus des deux tiers de votre mise.

La deuxième stratégie consiste à se positionner sur les maturités très longues, par exemple les obligations d’échéance juillet 2040 et de coupon 4.6% (ISIN : GR0138002689), que vous pouvez acheter à 58% du pair. Dans le scénario rose, ils devraient coter aux alentours de 90% du pair d'ici 2 ans, soit une performance de 70% en incluant les coupons perçus. Dans le scénario gris, l’investisseur ne réalise quasiment aucun gain en capital, mais perçoit des coupons avant la restructuration, soit environ 10% de performance totale. Dans le scénario noir, vous perdez près de la moitié de votre mise.

Pour résumer, la stratégie "courte" vous offre 90% de chances de gagner 15% en 2 ans mais vous prenez 10% de risque de perdre 65% de votre investissement initial. La stratégie "longue" vous offre 50% de réaliser 70% de gains, 40% de chance de devoir vous contenter d'une plus-value de 10%, contre 10% de risque de perdre 50% de votre mise. Vu sous cet angle, les obligations les plus longues me semblent donc les plus intéressantes à acheter puisque l'asymétrie joue en faveur de l'investisseur: en valeur absolue, les gains sont plus élevés que les pertes potentielles. Au contraire, les obligations les plus courtes vous offre un maximum de chances de réaliser un gain plutôt appréciable mais si les choses tournent mal la chute sera très dure.

Maintenant que je vous ai exposé mon point de vue, il ne me reste plus qu'à vous donner rendez-vous dans deux ans pour faire le point sur la performance du 30 ans grec.

29 septembre 2010

La dette grecque : arnaque ou opportunité ? (partie 2 sur 3)

Nous avons vu dans le post précédent comment la Grèce est arrivée à un niveau de surendettement critique. Quelles sont désormais les issues envisageables à cette crise ? Dans un souci de simplification, j’envisage trois scénarios pour résumer l’univers des possibles.

Scénario rose : aucun accident de paiement sur la dette grecque ; probabilité : 50%

Les 110 milliards de prêts accordés par le FMI et les états membres de l’Union Européenne, échelonnés sur trois ans, offrent à la Grèce le temps de mener à bien la réduction de son déficit budgétaire. Le plan d’austérité (hausse de TVA, gel des salaires des fonctionnaires, réforme du système de retraite, lutte contre la fraude fiscale, etc.) permet au pays stabiliser son ratio d’endettement. Après deux années de récession, l’économie renoue dès 2011 avec un taux de croissance positif. L’état grec regagne la confiance des investisseurs et peut, dès 2012, procéder de nouveau à des adjudications d’obligations à des niveaux de coupons raisonnables. C’est le scénario le plus optimiste, et bien entendu le plus favorable pour les porteurs de dette.

Scénario gris : restructuration ordonnée de la dette grecque ; probabilité : 40%

La Grèce parvient à améliorer ses métriques de solvabilité, mais pas suffisamment pour se financer sur les marchés internationaux à des taux non prohibitifs. En accord avec les autorités politiques européennes, la dette est restructurée en 2013, sous la forme d’une extension de maturité et d’une réduction de coupon. Toutes les obligations grecques existantes sont échangées contre une nouvelle obligation de maturité 2040 et versant un coupon annuel de 2%, dont la valeur nette actualisée est de l’ordre de 60%. C’est un scénario plutôt pessimiste mais sans être catastrophique car il permet aux porteurs de dette de limiter la perte subie.

Scénario noir : restructuration très défavorable pour les créanciers ou abandon de l’euro; probabilité : 10%

Le plan d’austérité provoque une violente récession qui empêche l’état d’augmenter ses recettes fiscales. Le gouvernement grec, confronté à une forte hostilité de la population, finit par jeter l’éponge et cesse de payer les intérêts de sa dette dès 2011. Après des années de négociations houleuses, la dette est finalement restructurée dans des termes très défavorables incluant des annulations de coupons, une réduction du principal, et une extension de maturité, le tout correspondant à une valeur nette actualisée de 30%. Tout le monde serait perdant dans un tel scénario : les créanciers de la Grèce, au premier rang desquels la plupart des grosses banques européennes ; ainsi que la Grèce elle-même, qui se retrouverait bannie pour de longues années des marchés internationaux, et dont les banques locales, après avoir subi de lourdes pertes sur les emprunts d’état détenus à l’actif de leur bilan, seraient inaptes à financer l’économie grecque. On peut donc supposer que l’Union Européenne et la Grèce feront tout leur possible pour éviter une telle issue.

Une « variante » de ce scénario noir serait une sortie de la Grèce de la Zone Euro. Les allemands en rêvent. Certains économistes, surtout parmi les anglo-saxons eurosceptiques, considèrent qu’un retour au drachme, suivi d’une dévaluation massive, permettrait à l’économie grecque de retrouver le niveau de compétitivité nécessaire pour augmenter les recettes fiscales de l’état et, à terme, mener à bien son désendettement. Un tel scénario me semble irréaliste, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, aucun mécanisme ne permet aux états de l’Euroland d’exclure un des leurs pour des motifs économiques. Une telle décision devrait donc être prise par la Grèce elle-même, ce qui reviendrait pour le pays à se tirer une balle dans le pied. L’annonce serait suivie de bank runs (retraits paniques des déposants) conduisant à la faillite des banques grecques. L’inflation importée massive suite à la dévaluation du drachme aurait pour conséquence une diminution dramatique du pouvoir d’achat des grecs. Enfin, on imagine mal comment l’état grec continuerait à payer des intérêts sur un stock de dette libellée en euros avec des rentrées fiscales dans une monnaie dévaluée.

Les scénarios étant définis et probabilisés, il reste désormais à répondre à la question : faut-il acheter des emprunts d’état grecs, et si oui lesquels ? Ce sera l'objet de mon prochain et dernier post consacré au sujet.

(à suivre...)

27 septembre 2010

La dette grecque : arnaque ou opportunité ? (partie 1 sur 3)

Tous les investisseurs en quête de rendement l’ont remarqué : les emprunts d’état grecs, dont les taux de rendement actuariels varient de 9% à 12% selon l’échéance, offrent des perspectives de gains parmi les plus attrayantes du marché obligataire. Mais ils auront aussi entendu parler de la situation budgétaire plus que délicate de la République Hellénique et du scénario « à l’Argentine » que pourraient subir ses créanciers. Alors que penser des papiers grecs : opportunité du siècle comme le pensent certains, ou investissement pourri comme l’affirment beaucoup d’autres ? Je penche plutôt pour la première option mais, avant de vous exposer mes arguments, revenons quelques instants sur l’historique de la crise grecque.

graph2

§  Le 1er janvier 2001, la Grèce devient le douzième pays à adhérer à l’euro. Supposée satisfaire aux critères de convergence de Maastricht (on découvrira par la suite que les statistiques économiques du pays étaient largement falsifiées), la Grèce peut désormais emprunter sur les marchés obligataires à des taux très proches de ceux des pays cœurs de la Zone Euro comme l’Allemagne ou la France.

§  Une première alerte est donnée lors de la crise financière de l’automne 2008. Les spreads (écart de rendement) entre obligations souveraines grecques et allemandes s’écartent de plusieurs centaines de points de base. A cette époque, c’est pour une large part la moindre liquidité des titres émis par les « petits » emprunteurs européens (Grèce, Irlande, Portugal…) qui est mise en avant pour expliquer le phénomène. Les choses vont se normaliser en grande partie dès le début de l’année 2009 avec le retour de la liquidité sur le marché interbancaire.

§  Fin 2009, le gouvernement Papandréou, fraîchement élu, annonce que le déficit budgétaire du pays devrait atteindre 12% du PIB , deux fois plus que les 6% avancés par l’administration précédente (l’estimation finale, dévoilée quelques mois plus tard, fera finalement état d’un déficit de 14% du PIB pour l’année 2009). L’annonce fait l’effet d’une bombe car le pays est déjà, de loin, le plus endetté de la Zone Euro (ratio dette / PIB proche de 120%). Pour la première fois en dix ans, la solvabilité d’un état de l’Euroland est remise en question.

§  Au cours du premier trimestre 2010, les mesures d’austérité budgétaire annoncées par le gouvernement grec ne convainquent pas les marchés. Pour ne rien arranger, l’Allemagne reste extrêmement évasive concernant sa volonté de participer à un soutien politique et financier européen à la Grèce. Les spreads entre obligations souveraines grecques et allemandes poursuivent leur écartement. Le mouvement, amplifié par la spéculation via les CDS (credit default swaps), est d’une telle violence que la Grèce se retrouve de facto privée de toute possibilité de financement sur les marchés obligataires.

§  Dans la nuit du 9 au 10 Mai, l’Union Européenne et le FMI, redoutant la contagion de la crise grecque au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie, annoncent la création d'un fonds de stabilisation doté de 750 milliards d'euros, destiné à accorder des prêts aux états membres en difficulté. Conjointement, la BCE exprime son intention d’acheter de la dette publique des états de la Zone Euro et notamment de la Grèce sur les marchés secondaires afin de soutenir les cours. L’effet d’annonce permet un spectaculaire resserrement des spreads en quelques heures.

§  On croit alors que la phase paroxystique de la crise est passée… mais il n’en est rien. Les spreads repartent rapidement à la hausse. Fin Juin, de nouvelles dégradations du rating de la Grèce par les agences de notation propulsent le pays en catégorie « speculative grade », ce qui a pour effet d’exclure la dette grecque de la plupart des indices obligataires. De nombreux gérants de portefeuilles se retrouvent alors vendeurs forcés de leurs titres grecs et la chute des cours s’accélère. 

§  Les premières bonnes nouvelles finissent par arriver à la fin de l’été. Les mesures d’austérité semblent porter leurs fruits puisque la Grèce annonce être en avance sur ses objectifs, avec 40% de réduction du déficit budgétaire sur les huit premiers mois de 2010. Les emprunts d’état helléniques amorcent un timide rebond.

(à suivre…)

25 septembre 2010

Sommes nous en présence d’une bulle obligataire ?

L’histoire des marchés financiers consiste en une alternance de bulles et de krachs. Aux Etats-Unis et aux cours de la dernière décennie, nous avons ainsi assisté successivement à l’éclatement de la bulle Internet en 2000, puis de la bulle immobilière en 2007, et enfin de la bulle des matières premières en 2008. Les investisseurs se demandent quelle classe d’actifs surévaluée est désormais la plus à risque de subir une violente correction… et beaucoup considèrent le marché des emprunts d’état ou treasuries comme un bon candidat.

Le rendement des obligations gouvernementales américaines d’échéance 10 ans a ainsi fortement chuté pour atteindre 2,5%, un niveau historiquement très bas, conduisant mécaniquement à une flambée des prix de ces titres. Le constat est le même pour les bunds allemands, les OAT françaises, les gilts anglais, les JGBs japonais… Et beaucoup d’acteurs du marché se questionnent sur la rationalité d’un tel phénomène : assistons nous à la formation d’une bulle obligataire aux Etats-Unis, ainsi que dans une grande partie du monde occidental ?

graph1

On parle de bulle lorsque le prix d’un actif est excessif compte tenu des fondamentaux supposés expliquer sa valorisation. Rappelons que dans le cas d’un emprunt d’état à long terme, le prix évolue inversement au taux de rendement actuariel nominal, qui lui-même se décompose en :

- une prime d’inflation, qui compense l’érosion de la valeur en monnaie constante du principal et des coupons de l’obligation en raison de la hausse du niveau des prix,

- et un taux réel, qui représente la rémunération hors inflation du titre ; le niveau du taux réel dépend pour une large part de la croissance anticipée du PIB (plus celle-ci est élevée, plus la performance des actifs risqués tels que les actions est prometteuse, et plus le taux réel doit être élevé afin les emprunts d’état restent un placement attractif) ; le taux réel correspond aussi en partie à une prime de risque rémunérant le risque de défaut de l’émetteur, par exemple l’état fédéral américain.

Prenons l’exemple du marché obligataire américain, qui est le marché de référence sur le plan international. Le taux nominal à 10 ans est actuellement d’environ 2,6%, ce qui correspond à une prime d’inflation de 1.8% (estimation basée sur les prix des obligations indexées sur l’inflation) et à un taux réel de 0,8%. De tels chiffres sont justifiés si l’on admet que :
- l’inflation restera durablement contenue,
- la croissance économique restera faible pendant une longue période,

- le risque d’une faillite des Etats-Unis est infime.

S’agit il d’hypothèses réalistes, ou y a-t-il au contraire de fortes chances de voir les prix des treasuries s’effondrer sous l’effet d’une accélération de l’inflation, d’une reprise économique plus vigoureuse que prévu, ou d’une dégradation de la qualité de crédit des Etats-Unis ? A mon avis, aucun des ces trois phénomènes ne se produira.

L’une des conséquences de la crise financières de 2008 est que les Etats-Unis (entreprises, ménages, et à horizon plus lointain l’état) sont entrés dans un cycle de désendettement long. Les entreprises, qui sont les plus avancées dans ce processus, cherchent avant tout à réduire leurs coûts. Cela se traduit notamment par une diminution des embauches. Le taux de chômage est actuellement proche de 10% (bien plus si l’on inclut les temps partiels forcés) et rien ne laisse présager d’un retournement de tendance imminent. Les ménages consomment moins et épargnent davantage, quand ils ne sont pas expulsés de leur logement pour non remboursement de leur crédit hypothécaire.

Le gouvernement a choisi de relancer l’économie en augmentant la dépense publique et en octroyant des crédits d'impôts. Il lui sera cependant impossible de laisser indéfiniment filer son déficit budgétaire et, tôt ou tard, un resserrement fiscal est inéluctable.

L'inflation, en hausse modeste de 1,1% au cours des 12 derniers mois, a peu de chances d'accélérer. Ni la demande des ménages (dans un contexte de baisse de la consommation), ni la hausse des salaires (dans un contexte de taux de chômage élevé), ni la hausse des matières premières (dans un contexte de croissance molle) ne semblent à même d'exercer une quelconque pression haussière sur les indices de prix (une fourchette de progression de 0% à 2% par an nous semble raisonnable pour la décennie à venir). Le débat actuel porte d'ailleurs davantage sur le risque de déflation.

La croissance économique (+1.6% au deuxième trimestre 2010 en rythme annualisé), plombée par la baisse de la consommation et, sans doute à plus long terme, davantage d'austérité budgétaire, ne devrait pas dépasser, au mieux, 2% par an pendant de longues années: bien en-dessous de la croissance potentielle du pays, généralement estimée à 3%.

Quand au scénario d'explosion des taux réels sous l'effet d'une dégradation prolongée des métriques de dette américaines (dette / PIB, déficit budgétaire, charge d’intérêt / revenus fiscaux...), il me semble assez peu vraisemblable. D'une part, le marché ne remet pas en doute la solvabilité des Etats-Unis pour le moment: la prime annuelle de CDS (credit default swaps, produit dérivé permettant de s'assurer contre le défaut de paiement d'un émetteur), reste à un niveau bas, de l'ordre de 60 points de base. D'autre part, si un tel scénario venait à se matérialiser, je vois plutôt l'ajustement s'effectuer à travers une dépréciation du dollar. En effet, la Fed s'est engagée à soutenir le marché des treasuries via des mesures de quantitative easing (augmentation de la base monétaire à travers des achats d'emprunts d'état). Ce dernier point justifie d'ailleurs, selon certaines estimations, des rendements à long terme 50 à 100 points de base en dessous de leur valeur fondamentale, correspondant à la prime du fameux "Bernanke put" (en référence au gouverneur de la banque centrale américaine).  

En conclusion, les treasuries ne me semblent pas particulièrement surcotés. Le bas niveau des taux de rendements actuariels ne fait que refléter un scénario économique assez morose pour les années à venir, ainsi que la détermination de la réserve fédérale américaine à maintenir les taux bas. Miser sur un effondrement de ce marché, via par exemple des trackers shorts, me semble une mauvaise idée. A contrario, un scénario économique plus sombre que celui exposé auparavant (le fameux double dip), pourrait très bien conduire à une détente de 50 ou 100 points de base des taux longs US, et quelques pourcents de performance supplémentaires pour les treasuries.

25 septembre 2010

Un blog de plus... pour dire quoi?

Bonjour à tous,

Et bienvenue sur ce blog qui, comme son nom l'indique, s'adresse aux investisseurs en obligations.

L'idée de créer ce blog m'est venue en constatant que le web est rempli de sites et de forums consacrés aux actions, mais que l'investisseur en quête d'informations sur les produits de taux, lui, n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent... et c'est dommage, car les obligations sont de mon point vue une classe d'actifs incontournable au sein d'un portefeuille bien diversifié.

L'objectif de ce blog sera donc de vous exposer des vues de marchés et des idées d'investissements dans le secteur des obligations, inspirées de ma connaissance en tant qu'investisseur professionnel et individuel de ce domaine.

Les présentations étant faites, je vous laisse maintenant découvrir le site.

Gill Bross

Publicité
Le blog de l'investisseur fixed income
Publicité
Le blog de l'investisseur fixed income
Publicité